Archéologie
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L'archéologie est une discipline
scientifique dont l'objectif est d'étudier et de reconstituer
l’histoire de l’humanité depuis la préhistoire jusqu’à l'époque contemporaine à travers l'ensemble des vestiges matériels ayant subsisté et qu’il est parfois nécessaire de mettre au jour (objets, outils, ossements, poteries, armes, pièces de monnaie, bijoux, vêtements, empreintes, traces, peintures, bâtiments, infrastructures, etc.).
L’archéologue, dans une approche diachronique, acquiert donc l’essentiel de sa documentation à travers des travaux de terrain (prospections, sondages, fouilles, études de collections, analyses du bâti) par opposition à l’historien,
dont les principales sources sont des textes. Les documents écrits sont
toutefois souvent utilisés avec profit en archéologie lorsqu’ils sont
disponibles et conservés.
Le mot « archéologie » vient du grec ancien ἀρχαιολογία[1] et est formé à partir des racines ἀρχαίος = ancien et λόγος
= mot/parole/discours. Toutefois, c'est avant à l'étude de l'objet
fabriqué par l'homme, donc à la technicité, que l'archéologue consacre
son travail.
L'archéologie est pluridisciplinaire : Si les archéosciences relèvent par essence des sciences humaines, elles font aussi appel à une panoplie de méthodes venant des sciences naturelles et sciences de la Terre notamment dans le domaine des datations (14C, dendrochronologie, thermoluminescence, palynologie, la xylologie-anthracologie, archéozoologie,
etc.). Ces méthodes ne relèvent pas des compétences de l'archéologue,
mais il doit savoir les interroger et en intégrer les résultats dans ses
analyses.
Origines et définition[modifier]
Dans l’« Ancien Monde »,
l'archéologie a eu tendance à se concentrer sur l'étude des restes
physiques, les méthodes employées pour les mettre au jour et les
fondements théoriques et philosophiques sous-tendant ces objectifs.
La discipline prend sa source dans le monde des Antiquaires et dans l'étude du latin et du grec ancien, qui l'inscrivent naturellement dans le champ d'étude de l'histoire. Cyriaque d'Ancône ou Ciriaco de' Pizzicolli (Ancône, vers 1391 - Crémone, vers 1455) est un humaniste italien, un voyageur et un épigraphiste
grâce auquel sont parvenues des copies de nombreuses inscriptions
grecques et latines perdues depuis son époque. Il a été appelé le père de l'archéologie: fut le premier « savant » à redécouvir des sites grecs antiques prestigieux tels que Delphes ou Nicopolis d'Épire. Cyriaque d'Ancône se croyait investi d'une mission : sauver les antiquités, condamnées à disparaître.
Aux États-Unis et dans un nombre croissant d'autres régions du monde,
l'archéologie est généralement dévolue à l'étude des sociétés humaines
et est considérée comme l'une des quatre branches de l'anthropologie. Les autres branches de l'anthropologie complètent les résultats de l'archéologie d'une façon holistique. Ces branches sont :
- l'ethnologie, qui étudie les dimensions comportementales, symboliques, et matérielles de la culture ;
- la linguistique, qui étudie le langage, y compris les origines de la langue et des groupes de langue ;
- l'anthropologie physique, qui inclut l'étude de l'évolution et des caractéristiques physiques et génétiques de l'espèce humaine.
D'autres disciplines complètent également l'archéologie, comme la paléontologie, la paléozoologie, la paléo-ethnobotanique, la paléobotanique, l'archéozoologique et l'archéobotanique [2]la géographie, la géologie, l'histoire de l'art et la philologie.
L'archéologie a été décrite comme un art qui s'assure le concours des
sciences pour éclairer les sciences humaines. L'archéologue américain Walter Taylor
a affirmé que « l'archéologie n'est ni
l’histoire ni l’anthropologie. Comme discipline autonome,
elle consiste en une méthode et un ensemble de techniques
spécialisées destinées à rassembler, ou
à « produire » de l'information
culturelle » [3].
L'archéologie cherche à comprendre la culture humaine à travers ses
vestiges matériels quelle que soit la période concernée. En Angleterre,
les archéologues ont ainsi mis au jour les emplacements oubliés depuis
longtemps des villages médiévaux abandonnés après les crises du XIVe siècle ainsi que ceux des jardins du XVIIe siècle évincés par un changement de mode. Au cœur de New York, des archéologues ont exhumé les restes d’un cimetière renfermant les dépouilles de 400 africains et datant des XVIIe et XVIIIe siècle.
L'archéologie traditionnelle est considérée comme l'étude des cultures préhistoriques,
cultures qui existaient avant l’apparition de l'écriture. L'archéologie
historique est l'étude des cultures qui ont développé des formes
d'écriture.
Quand l'étude concerne des cultures relativement récentes, observées
et étudiées par des chercheurs occidentaux, l'archéologie est alors
intimement liée à l'ethnographie.
C'est le cas dans une grande partie de l'Amérique du Nord, de
l'Océanie, de la Sibérie et de toutes les régions où l'archéologie se
confond avec l'étude de traditions vivantes des cultures en questions.
L'homme de Kennewick
fournit ainsi l'exemple d'un sujet d'étude archéologique en interaction
avec la culture moderne et des préoccupations actuelles. Lors de
l'étude de groupes qui maîtrisaient l'écriture ou qui avaient des
voisins qui la maîtrisaient, histoire et archéologie se complètent pour
permettre une compréhension plus large du contexte culturel global, et
l'étude du mur d'Hadrien nous en fournit un exemple.
L'archéologie en tant qu'approche scientifique[modifier]
La méthode de l'archéologie s'inscrit dans une démarche scientifique, au même titre que les autres sciences palétiologiques. Afin d'appréhender les faits et les comprendre, elle doit passer par l'étape d'induction, puis de déduction et enfin revenir à l'induction.
En découvrant des nouveaux témoins du passé, l'archéologue se doit de pratiquer l'induction.
En effet, il faut passer des faits aux idées, des observations aux
propositions qui peuvent les justifier, des indices aux présomptions qui
les expliquent. En formulant une hypothèse
ou en supposant un fait, l’archéologue ne fait donc qu'appliquer une
méthodologie scientifique usuelle. Il doit simplement vérifier que le
problème nouveau relève de sa compétence, c’est-à-dire avant tout qu’il
dispose – ce qui n’est pas toujours le cas – des documents nécessaires,
et aussi qu’il présente un intérêt suffisant, c’est-à-dire qu’il ne soit
ni trop banal ni trop limité ; ce souci d'efficacité, qui n’a rien, lui
non plus, de particulier à l’archéologie, y revêt cependant une grande
importance, puisque les documents archéologiques sont chargés de
plusieurs limitations.
Le problème retenu et l’hypothèse
émise, il reste à vérifier cette dernière.
Cette démarche, prônée déjà par Francis Bacon (Novum Organum Scientiarum , 1620) et exposée avec une grande clarté par Claude Bernard (Introduction à l’étude de la médecine expérimentale
, première partie, 1865), consiste d’abord à
revenir des idées aux faits, par un mouvement déductif ou
une phase hypothético-déductive. Puisqu’on ne peut pas opérer de démonstration directe, ce qui est le privilège des mathématiques, on cherche à vérifier l’hypothèse a posteriori, par son efficacité logique ou sa valeur heuristique.
Puis on revient aux idées par une nouvelle induction et, si l’hypothèse
se trouve vérifiée, elle devient alors ce que la plupart des sciences
appellent une loi, mais que l’histoire et l’archéologie ne peuvent
appeler, dans le sens le plus général du terme, qu’un fait historique.
Toutefois, la recherche de la vérification
suppose en premier lieu que l’hypothèse soit
formulée le plus exactement possible. Comme par
définition le chercheur à ce stade ne dispose pas encore
de toutes les données nécessaires, il est conduit
à s’avancer un peu au-delà de ce qu’il a
observé. Cette anticipation de l’expérience
consiste en règle générale à décrire
les conséquences de l’hypothèse et à
prévoir quelle sera leur traduction dans les vestiges
archéologiques : car seule cette traduction sera
susceptible d’être vérifiée.
Mais l’importance du raisonnement est encore plus capitale à l’étape
suivante. Il s’agit en effet de vérifier si, dans les données
observables, on retrouve bien la traduction des conséquences que l’on a
prévues. Il faut pour cela revenir à la fouille ou, tout au moins, aux documents archéologiques et aux relations qui les unissent. Mais il faut y revenir avec une méthode :
organiser tout un ensemble d’opérations qui permette le contrôle
souhaité et donne des résultats clairs. Il ne peut donc pas s’agir de
recourir à des recettes préétablies. C’est même très précisément le
contraire : il faut imaginer, dans chaque cas, la démarche qui sera à la
fois la mieux adaptée au but poursuivi et la plus pragmatique en
fonction de l’importance du problème posé. Autrement dit, les techniques
particulières qui seront mises en œuvre dans cette démarche n’auront
pas d’intérêt par elles-mêmes, mais devront être jugées, comme partout,
sur leur efficacité. Celles qui permettront d’obtenir des réponses
pertinentes et claires, pour une somme d’efforts proportionnée à
l’intérêt de l’entreprise, seront par définition les meilleures.
Au terme du processus, deux possibilités apparaissent :
- l’hypothèse est infirmée, elle
doit donc être remplacée ou modifiée et de nouveau
confrontée à l’observation ;
- l'hypothèse est confirmée, il faut alors la transformer en certitude, lui donner le statut de fait établi [4].
Importance et validité d'application[modifier]
L'archéologie représente souvent le seul moyen de connaître le mode
de vie et les comportements des groupes du passé. Des milliers de
cultures et de sociétés, des millions de personnes se sont succédé au
cours des millénaires, pour lesquels il n'existe aucun témoignage écrit —
aucune histoire — ou presque. Dans certains cas, les textes peuvent
être incomplets ou peuvent déformer la réalité.
Inscription sumérienne, XXVIe siècle av. J.-C. environ.
Présents du Grand et Puissant de Adab à la
Grande Prêtresse, à l'occasion de son élection au
temple.
L'écriture
telle qu'on la connaît aujourd'hui est apparue il y a seulement 5 000
ans environ et elle n'était utilisée que par quelques civilisations
technologiquement avancées[5].
Ce n'est bien sûr pas par hasard que ces civilisations sont
relativement bien connues : elles ont fait l'objet de recherches de la
part des historiens depuis des siècles, tandis que les cultures préhistoriques ne sont étudiées que depuis le XIXe siècle.
Mais même dans le cas d'une civilisation utilisant l'écriture, de
nombreuses pratiques humaines importantes ne sont pas enregistrées. Tout
ce qui concerne les éléments fondateurs de la civilisation - le
développement de l'agriculture, des pratiques culturelles, des premières
cités - ne pourra être connu que par l'archéologie.
Même quand des témoignages écrits existent, ils sont systématiquement
incomplets ou plus ou moins biaisés. Dans de nombreuses sociétés,
n'étaient alphabétisés que les membres d'une élite sociale, comme le clergé. Les documents écrits de l'aristocratie
se limitent souvent à des textes bureaucratiques concernant la cour ou
les temples, voire à des actes notariés ou des contrats. Les intérêts et
la vision du monde de l'élite sont souvent relativement éloignés de la
vie et des préoccupations du reste de la population. Les écrits produits
par des personnes plus représentatives de l'ensemble de la population
avaient peu de chance d'aboutir dans les bibliothèques
et d'y être préservés pour la postérité. Les témoignages écrits ont
donc tendance à refléter les parti pris, les idées, les valeurs et
éventuellement les tromperies d'un petit nombre d'individus,
correspondant généralement à une fraction infime de la population. Il
est impossible de se fier aux écrits comme seule source d'information.
Les vestiges matériels sont plus proches d'une représentation fiable de
la société, même s'ils posent d'autres problèmes de représentativité
tels que les biais d'échantillonnage ou la conservation différentielle.
Au-delà de leur importance scientifique, les vestiges archéologiques
peuvent avoir une signification politique pour les descendants des
groupes qui les ont produits, une valeur matérielle pour les
collectionneurs ou simplement une forte charge esthétique. Aux yeux du
grand public, qui bien souvent méconnait le cadre juridique de la
matière (droit de l'archéologie, code du patrimoine), l'archéologie est
souvent associée à une recherche de tels trésors esthétiques, religieux,
politiques ou économiques plutôt qu'à une reconstitution des modes de
vie des sociétés passées. Ce point de vue est fréquemment conforté dans
les œuvres de fiction telles que Indiana Jones et les Aventuriers de l'arche perdue, La Momie ou Les Mines du roi Salomon, fort heureusement très éloignées des préoccupations effectives de l'archéologie moderne.
Méthodes d'études[modifier]
Approches spécifiques[modifier]
Théories archéologiques[modifier]
L'histoire de l'archéologie est marquée par une professionnalisation
croissante ainsi que par l'utilisation d'une gamme de techniques de plus
en plus large afin d'obtenir le plus de données possibles des sites
étudiés.
Les fouilles de monuments anciens et la collecte d'antiquités existe
depuis des millénaires mais elles avaient essentiellement pour objectif
la mise au jour de vestiges présentant une valeur marchande ou
esthétique.
Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle
qu'a débuté l'étude systématique du passé à travers les vestiges
matériels. La fondation de l'Institut de correspondance archéologique (Istituto di corrispondenza archeologica) à Rome en 1829, par Eduard Gerhard
et d'autres, est une étape importante. Les méthodes de l'archéologie
furent développées à la fois par des amateurs intéressés et par des
professionnels, dont Augustus Pitt Rivers et William Flinders Petrie.
Ce processus s'est poursuivi au XXe siècle par des personnes telles que Mortimer Wheeler,
dont l'approche fortement disciplinée de la fouille contribua à
améliorer considérablement la qualité de la documentation archéologique.
En archéologie préhistorique, des
méthodes spécifiques d'enregistrement ou de fouille ont
été développées notamment par Georges Laplace [8],[9] ou André Leroi-Gourhan [10].
Le développement de l'archéologie urbaine puis de l'archéologie préventive a joué un rôle important, tout comme celui de l'archéométrie, qui a fortement augmenté la quantité de données qu'il est possible d'obtenir.
Diversité des découvertes archéologiques[modifier]
Rappels terminologiques[modifier]
Ces termes importants se rapportant à l'archéologie sont souvent mal utilisés.
- Mise au jour : en effet en archéologie on parle de mettre au jour des sites, du matériel... Et non pas de mettre à jour, souvent employé par erreur ou méconnaissance. Mise à jour s'emploie dans des contextes de réactualisation de quelque chose.
- Carroyage :
découpage d'un site en zones carrées et identification unique de chacun
de ces carrés. Le carroyage permet de bien se situer sur le site et de
pouvoir replacer sur des plans le matériel archéologique découvert. Le
carroyage est mis en place à l'aide d'un théodolite.
- Inventeur : en archéologie, celui qui découvre un site ou un objet important n'est pas nommé découvreur - souvent utilisé faussement à la place - mais inventeur. Ce terme est aussi employé pour les chasseurs de trésor lorsqu'ils en découvrent un.
- Anastylose (reconstruction)
- Un hypogée
- L'onomastique
- Un ostracon
Articles connexes[modifier]
Sur les autres projets Wikimédia :
- Dabas M. et al. 2006 - La prospection, Paris, Errance, Collection Archéologiques, 2e, 248 p.
- Demoule J.-P. (dir.) 2002 - Guides des méthodes de l’archéologie, Paris, 296 p.
- Ferdière A. (dir.) 1999- La construction. La pierre, Paris, Errance, Collection Archéologiques, 171 p.
- Gallay A. 1986- L'archéologie demain, Paris, Belfond, 320 p.
- Ève Gran-Aymerich, Les chercheurs de passé. 1789-1945, CNRS éditions, 2007, 1271 p. (ISBN 9782271065384)
- Philippe Jockey, L'Archéologie, Paris, 1999, 399 p. (ISBN 2-7011-1938-3)
- Schnapp A. (dir.) 1980 - L'archéologie aujourd'hui, Paris, Hachette, 319 p.
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